Musique de cabaret| Klezmer | Censure
Quand les lumières s’éteignent
Les musiques interdites du IIIe Reich
ActeSix
Rallumons les lumières qui se sont éteintes sous le IIIe Reich et rendons aux artistes censurés la place qui leur revient. Ouvrons les portes du célèbre cabaret de l’époque « le Moulin à poivre », prêtons l’oreille à la musique dégénérée, celle des hommes sans racines. ActeSix nous invite à découvrir une partie du puits sans fond de ces musiques interdites, musique dodécaphonique, école de Weimar, musique de cabaret, musique baroque juive.
Représentation :
TOURCOING, Auditorium Albert Roussel du conservatoire
Samedi 15 novembre 2025 – 18h
Tarif : 6€ à 15€
Env. 1h30
Lucile Richardot, une mezzo au timbre de velours… LE FIGARO
Programme
Quand les lumières s’éteignent
Ernst Toch, Gideon Klein,
Erwin Schulhoff, Salomone Rossi,
Cristiano Giuseppe Lidarti,
Hanns Eisler, Franz Schreker,
Arnold Schönberg, Paul Hindemith,
Friedrich Hollaender, Ernst Krenek,
Kurt Weill, Alban Berg, Isle Weber,
Viktor Ullmann
Distribution
Samuel Hengebaert direction musicale
David Lescot mise en scène et texte
Éléonore Pancrazi mezzo-soprano
Lucile Richardot alto
Edwin Crossley Mercer baryton
Omer Bouchez violon
Hélène Desaint alto
Alexis Derouin violoncelle
Adam Laloum ou Alexis Gournel piano
Julien Beautemps accordéon
Marie Rouquie, Josèphe Cottet violon baroque
Julie Dessaint viole de gambe
Mélanie Flahaut basson
Eloy Orzaiz clavecin et orgue
Intention
« L’Allemagne m’était étrangère. Je n’avais pas de racines, je ne voulais pas en avoir. La terre natale ne me retenait pas (…) ».
Lorsqu’il écrit ces lignes, Klaus Mann ne sait pas encore qu’elles sont prophétiques et qu’il passera une grande partie de sa vie en exil. En mars 1933, Klaus et sa sœur Erika quittent l’Allemagne pour échapper aux répressions de la NSDAP qui vient de remporter les élections. Quelques mois plus tôt, ils avaient fondé le Pfeffermühle (le Moulin à poivre), un cabaret polifique résolument antinazi, dont le succès est immédiat.
L’arrivée des nazis au pouvoir signe le déclin des cabarets, désormais considérés comme des lieux impurs. Après avoir mis en place une Chambre de musique du Reich chargée de contrôler l’ensemble des métiers de la musique, l’exposition « Musique dégénérée » (Entartete Kunst) de 1938 dresse la liste des compositeurs et des œuvres responsables « de la dégénérescence de la musique allemande ». On y retrouve sans surprise un large répertoire composé par des artistes juifs ou communistes, mais aussi les musiques modernistes (sérielle et dodécaphonique), le jazz et le cabaret. Dans son discours d’inauguration, le commissaire d’exposition Hans Severus Ziegler explique que « ce qui est réuni dans l’exposition Musique dégénérée représente le […] triomphe de la sous-humanité, de l’impudence juive et d’un abrutissement intellectuel complet. […] Une musique étrangère à l’essence allemande. » C’est une musique sans histoire ni racine, un surgeon de culture malade.
Quantité de compositeurs ont ainsi été persécutés et condamnés à l’oubli, nous privant aujourd’hui d’une grande partie de notre patrimoine musical. Cette Atlandide a été explorée depuis quelques années. Nous y jetons à notre tour un coup de sonde. En partant du cabaret des Mann, c’est la diversité des catégories de musiques interdites, représentatives du foisonnement artistique de l’Entre- deux-guerres, que l’on voudrait atteindre.
Pour servir au mieux cette grande diversité musicale, nous avons choisi de nous entourer d’une équipe à géométrie variable, composée d’un quatuor à cordes, d’un accordéon, d’un violon baroque, d’une viole de gambe, d’un clavecin, d’une viola da spalla et de trois chanteurs : une mezzo-soprano (Eléonore Pancrazi), une alto (Lucile Richardot) et un baryton-basse (Edwin Crossley- Mercer). Notre choix s’est porté sur ces des tessitures médianes pour être au plus proche de l’émission parlée, typique du cabaret, mais aussi parce qu’il fallait des voix chaudes et rondes capables de se couler avec la même facilité dans les chants folkloriques juifs et dans un répertoire plus lyrique.
Le titre de notre programme, Quand les lumières s’éteignent, est emprunté au roman du même nom d’Erika Mann, dans lequel elle analyse les conditions qui ont permis l’arrivée d’Hitler au pouvoir et l’institution du Troisième Reich. Plusieurs raisons ont motivé ce choix. D’abord parce qu’il illustre parfaitement l’obscurantisme profond et la terreur qui se sont abattus sur l’Allemagne ; ensuite parce que si les lumières se sont éteintes sur la scène allemande, il nous revient de les rallumer aujourd’hui, pour redonner à ces artistes oubliés la place qui leur revient. Alors quand les lumières s’éteignent et que le silence se fait dans la salle, prêtez l’oreille : ce que nous jouons, c’est la musique dégénérée, celle des hommes sans racines.